« 13 Novembre : Fluctuat Nec Mergitur », l’« héroïsme discret » des victimes
Les frères Jules et #Gédéon #Naudet ont réalisé un #documentaire de près de trois heures qui donne la parole aux rescapés des attentats de 2015 (disponible à partir du 1er juin sur Netflix).
Seize ans après le film 9/11 (2002) – un reportage sur le vif sur l’attentat du World Trade Center, à New York, le 11 septembre 2001 – qui les a rendus célèbres, les deux frères américains d’origine française Jules et Gédéon Naudet, sont à nouveau l’objet de toutes les attentions avec 13 Novembre : Fluctuat Nec Mergitur, un long documentaire (près de trois heures) divisé en trois parties, que Netflix rend mondialement disponible vendredi 1er juin.
Les témoignages des rescapés sont sobres, intelligents, généreux. On sent que de pudiques points de montage ont été opérés pour ne pas montrer trop les larmes qui viennent aux yeux de certains – et à ceux aussi de Mme #Hidalgo, qui rappelle l’esprit du peuple parisien, transi le lendemain des attaques, mais à nouveau et ostensiblement bravache et vivant, sur les terrasses de café bondées du dimanche qui suivit.
Le récit des survivants est presque insupportable tant est monstrueux l’indicible qu’ils parviennent pourtant à formuler. Ils parlent de l’odeur de la poudre, du sang, du silence irréel qui entoure le fracas des balles ; des téléphones qui sonnent dans la poche des morts ; de la « colline », cet amas de cadavre au parterre du Bataclan.
Avec la distance presque souriante qu’il peut s’autoriser aujourd’hui, un jeune homme raconte que sa dernière pensée, avant ce qu’il croyait être l’hora mortis, a été : « J’espère que mon appartement est bien rangé… » Une jeune femme témoigne même d’un solide humour – dont on dit qu’il est la politesse du désespoir – en se souvenant : « Cela fait des années que je me moque des gens qui sortent de chez eux en jogging, et là je vois que je vais me fairetuer par un mec en jogging ! »
Certains disent ne pas en parler trop (« Je ne veux pas être “la fille du Bataclan…” »), quand d’autres avouent ne pas pouvoir« tourner la page » ou veulent faire de ces moments l’objet d’une « transmission », comme cette mère qui évoque son incapacité à prendre son bébé dans ses bras à son retour du Bataclan.
Rares sont les signes de hargne et de ressentiment envers les terroristes. L’un de ceux qui furent pris en otage dans un couloir du Bataclan (un épisode peu connu de l’attaque, racontée par une partie d’entre eux) prononce même, calmement, le prénom des deux djihadistes qui les tenaient en joue.
Fallait-il tant de détails, de crudité, de récits parfois similaires, d’apparents « petits riens » intimes ? Oui. Car ils incarnent par petites touches pudiques, subtiles et fortes, ce qui aurait pu n’être qu’une froide récapitulation de faits.
Elan de solidarité
Et ils disent la force de l’humain en pareilles conditions : beaucoup rappellent à quel point, sur les terrasses des cafés attaqués, les blessés, même gravement, s’inquiétaient pour des inconnus encore plus sérieusement atteints. Ce souci de l’autre, cette solidarité, que la panique n’a semble-t-il jamais empêché, est résumé par cette jolie formule que prononce un jeune homme : « Il y avait de l’héroïsme discret. »
Ce documentaire résonne de manière surprenante avec 9/11. On se souvient que les frères Naudet réalisaient un documentaire sur les premiers pas d’un jeune pompier dans une caserne du bas de Manhattan – avant que le tournage ne prenne le tour que l’on sait. Or, dans le premier des trois volets de 13 Novembre, une jeune pompière débutante annonce qu’un journaliste se trouvait à faire un reportage dans la caserne qui devait intervenir sur les premiers lieux des attentats parisiens. Il fut, lui aussi, aux premières loges de l’horreur.
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